« Lors de sa rencontre presse de rentrée du vendredi 2 septembre, M. Pierre Moscovici (Commissaire français aux Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes) a présenté ses perspectives pour l’avenir du projet européen, ainsi que les sujets au coeur de son portefeuille économique et fiscal ; le texte repris ci-dessous est celui de son discours introductif. »
Jacques Vonthron, Président.
Je veux le dire d’emblée, le Brexit est un signal d’alarme fort et sans appel. Pour la première fois de son histoire, l’Union européenne va se construire par une soustraction politique, pas par une addition. Ce référendum, qui a d’abord ses spécificités propres, fait écho sur le continent à un doute grandissant de nos concitoyens, qui se sentent de plus en plus éloignés d’une Europe qu’ils jugent trop bureaucratique, trop distante, et qui ne répond pas à leurs problèmes quotidiens. Tant et si bien que la question existentielle est posée : alors que nous sommes la « Commission de la dernière chance », deviendrons-nous la « dernière Commission » si les eurosceptiques et les nationalistes avaient la majorité aux élections européennes de juin 2019 ? Serions-nous devenus des somnambules, qui peinent à avancer en pleine nuit européenne ? Nous allons devoir répondre à ces questions.
Je me refuse à céder à cette pensée défaitiste sur l’Europe, celle du déclin, celle de la tentation du rejet ou du retrait. Je refuse aussi que le Brexit soit synonyme de « pause », de « glaciation » et encore moins de « délitement » dans le projet communautaire, dominant l’agenda européen au détriment de projets essentiels en cours. Je dis non à ceux qui veulent jeter aux orties la méthode communautaire. Je l’ai redit hier devant les Ambassadeurs français, devant Jean-Marc Ayrault et Harlem Désir. La solution n’est pas dans les replis nationaux, alors que les défis sont par essence européens.
Je tiens aussi à mettre en garde contre l’enracinement de l’euroscepticisme, si nous, leaders européens, n’apportons pas collectivement de vraies solutions. Non, l’euroscepticisme n’est pas une fatalité ou une maladie incurable de nos démocraties fatiguées. Alors que nous entrons dans un cycle déterminant de consultations électorales en Europe – referendum en Italie cet automne, élections aux Pays-Bas en mars, en France en mai/juin et en Allemagne en septembre – les enjeux européens devront y être portés par des voix fortes et positives, tournant le dos à la tentation de ranger le drapeau européen dans nos poches. Résistons à la tentation des référendums européens – qui blessent, qui divisent, qui n’offrent aucune solution –, mais engageons-nous dans des débats démocratiques structurés, couplés à des échéances électorales qui permettront aux électeurs de se prononcer. Plutôt que de demander aux Européens leur avis sur l’Europe tous les 10 ans, je crois que les enjeux et notre démocratie exigent des débats réguliers. L’élection présidentielle offre cette opportunité de discussion et de remobilisation des uns et des autres. Pour moi, elle sera, elle doit être, le vrai référendum sur l’Europe.
Dans ce contexte, le sommet de Bratislava le 16 septembre prochain sera essentiel, tout comme le discours sur l’état de l’Union le 14 par le Président Juncker. Ils doivent permettre de clarifier les termes du débat, les pistes des réflexions, les priorités pour les mois qui viennent, et le chemin que nous allons emprunter pour y arriver. Car nous avons besoin de plus d’Europe, de mieux d’Europe. C’est aussi le constat que nous avons porté avec mes collègues Commissaires européens en séminaire de rentrée cette semaine, autour de nos priorités que sont le soutien à la croissance, à l’emploi et à l’investissement, l’approfondissement de la démocratie européenne, et le renforcement de la sécurité intérieure et extérieure, pour une Europe qui protège mieux ses citoyens.
Page du blog de Pierre Moscovici consacré à la rencontre presse de rentrée : cliquez ici
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